Oswald Chesterfield Cobblepot, dit le Pingouin, est l’un des adversaires récurrents de Batman depuis sa première apparition en décembre 1941 dans Detective Comics #58. Tout comme la majeure partie des éléments fondateurs de l’univers du super-héros, il est l’œuvre conjointe du scénariste Bill FINGER et du dessinateur Bob KANE.
Ce dernier a même affirmé que l’inspiration graphique pour le personnage lui est venu de la mascotte des cigarettes Kool. Bill FINGER a quant à lui raconté en interview qu’il avait en tête les liens entre l’apparence des gens de la haute société en smoking et celle des manchots empereurs. Toujours est-il que le criminel trouve aisément sa place au sein de la galerie de vilains alors naissante du Chevalier Noir. Aux côtés du Joker, de Catwoman et de Double- Face, le Pingouin apparaît de nombreuses fois au cours des années 1940 et a même droit à une histoire dans les pages du dimanche du strip de presse Batman et Robin. Au cours de cette première époque, quelques traits de caractère persistants apparaissent déjà.
Le Pingouin aime frayer avec la haute société et prétend plusieurs fois se racheter, soit en trouvant une nouvelle occupation soit en dénonçant d’anciens complices. Ses armes de prédilection sont déjà les parapluies piégés qui lui permettent de tenir tête à Batman et Robin, ou bien de s’enfuir dès que ces derniers tentent de lui mettre la main dessus.
La dernière apparition de cette version primitive du Pingouin se trouve dans Batman #99 daté d’avril 1956.
Comme les autres truands costumés qu’affronte le Dynamique Duo, le Pingouin va devoir bientôt céder sa place à des menaces extraterrestres ou magiques, alors que la Comics Code Authority s’impose aux auteurs des titres consacrés à Batman. Cet organisme d’autocensure voit d’un mauvais œil la violence et encadre de manière très stricte la description des crimes commis au sein des comic books. Le Pingouin est donc mis un temps au placard et refait une maigre apparition en mai 1963 dans Batman #155, quelques mois avant l’un des changements les plus radicaux qu’ait connu le Croisé en Cape.
En 1964, le nouvel editor des titres Batman, Julius SCHWARTZ décide de remanier le look de Batman et Robin, confiés aux bons soins du dessinateur Carmine INFANTINO et du scénariste John BROOME. Bob KANE et ses nombreux assistants ne s’occupent dès lors plus que du titre Batman et dans le numéro 169, France E. HERRON et Sheldon MOLDOFF offrent la première incursion du Pingouin dans le contexte du Batman « New Look ».
Le récit, intitulé « Partners in Plunder », est d’autant plus remarquable qu’il fournit la base du troisième épisode de la série TV Batman lancée en 1966 et interprétée par Adam WEST. Le Pingouin y est incarné par Burgess MEREDITH et, comme les autres super-vilains de la série, revient tout au long des trois saisons imaginer les plans les plus machiavéliques pour se débarrasser de nos deux justiciers. De plus, MEREDITH incarne également le Pingouin dans le long-métrage tiré de la série, où il s’allie au Joker, au Sphinx et à Catwoman afin de kidnapper de hauts dignitaires diplomatiques.
Le Pingouin se découvre une nouvelle popularité avec ce pendant télévisuel mais, revers de la médaille, ce dernier le fige également dans une imagerie « tous publics ». À l’inverse du Joker ou de Double-Face, Oswald Cobblepot n’a pas droit à un « décapage » aux bons soins du tandem Denny O’NEIL/Neal ADAMS qui opère au début des années 1970 un retour aux sources entraînant un virage plus sombre et ténébreux pour le justicier. Pour cette nouvelle génération d’auteurs le Pingouin symbolise, tout comme le Sphinx, une autre époque, celle de l’Âge d’Or. Son modus operandi paraît ainsi plus daté lorsqu’on le compare aux super-vilains nouvellement créés Ra’s al Ghul, Man-Bat ou Black Spider. Même lorsque Steve ENGLEHART et Marshall ROGERS l’utilisent dans leur run mémorable en 1977, c’est dans un contexte d’hommage aux travaux de Bill FINGER, et dans l’épisode suivant, le Pingouin se fait damer le pion par un criminel remanié pour l’occasion, Deadshot.
Après le bouleversement artistique et narratif du DARK KNIGHT RETURNS et de BATMAN ANNÉE UN de Frank MILLER (coll. DC Essentiels), le Pingouin est littéralement dépassé par la plongée des comics dans l’ère du « Grim’n gritty ». Un « ravalement de façade » lui est alors plus que nécessaire et le nouvel éditeur des titres Batman propose au scénariste Alan GRANT de livrer une origine au criminel à même de s’intégrer dans ce nouveau statu quo. GRANT et le dessinateur Sam KEITH reviennent sur la jeunesse de Cobblepot et notamment sur le harcèlement dont il a été victime à l’école en raison de son apparence. Cette version survit un certain temps et est consolidée par la prestation mémorable de Danny DE VITO dans le deuxième film de Tim BURTON, Batman : Le Défi, en 1992. DE VITO y incarne un Pingouin phénomène de foire abandonné à sa naissance dans les égouts de Gotham par ses parents fortunés. Le rôle est si impressionnant qu’il en inspire le look du personnage dans la série animée Batman qui débute la même année.
Là encore, le Pingouin est un truand qui aspire à grimper les échelons de la haute société de Gotham et à devenir un citoyen respectable au-delà de tout soupçon.
C’est alors que le scénariste Chuck DIXON et le dessinateur Graham NOLAN offrent au Pingouin dans Detective Comics #683 et 684 de mars et avril 1995 un nouvel établissement appelé la Banquise. Ce casino est la couverture parfaite qui lui permet de continuer ses affaires nébuleuses tout en servant de lieu où notables et criminels peuvent frayer. Ce nouveau concept s’oppose parfois à la volonté de certains auteurs comme Doug MOENCH et Kelley JONES de revenir à un Pingouin plus traditionnel, mais l’événement No Man’s Land, au cours duquel Gotham est coupé du reste des États-Unis et se retrouve sous la coupe de différentes factions, cimente cette innovation. En effet, Cobblepot y gère alors tout le marché noir de la cité maudite.
Depuis ce dernier coup d’éclat, le Pingouin maintient sa position entre respectabilité et affaires véreuses : il ressemble ainsi au Caïd de Marvel, qui lui aussi aime à se présenter comme un honnête businessman tout en lorgnant sur le contrôle de la ville.
Récemment toutefois, et comme se charge de vous le rappeler le premier épisode de cet album, le Pingouin a réussi à piéger Batman afin qu’il le « tue ». Mais, comme bien des fois avec le criminel, les apparences sont trompeuses et le scénariste Chip ZDARKSY qui a orchestré cette mascarade revient sur ses tenants et aboutissants en ouverture. Ce faisant, il laisse la place libre à Tom KING, nouveau scénariste en charge du Pingouin, mais auteur bien connu des amateurs du Chevalier Noir. C’est lui d’ailleurs qui a écrit BATMAN KILLING TIME dont il reprend ici quelques personnages : notamment l’Aide, sorte de pendant maléfique et impitoyable du majordome fidèle et discret Alfred Pennyworth.
La sortie de ce mensuel consacré au roi de la banquise (le premier en 80 ans d’existence !) coïncide bien entendu avec les débuts de la série diffusée sur Max, dans laquelle Colin FARRELL reprend le rôle qu’il interprétait avec brio dans The Batman de Matt REEVES. Sa performance, qui s’inspire en partie du physique et des mimiques de Robert DE NIRO dans Les Incorruptibles, fusionne avec aisance les deux aspects du gangster au profil aquilin : son esprit vicieux et retors et le poids de son physique disgracieux. Tout comme lui, Tom KING présente un Pingouin redoutable et vaniteux, entre fanfaronnade et colère froide, prêt à tout pour trôner au sommet de sa ville de prédilection. Quitte à y laisser son âme.

Découvrir Le Pingouin – tome 1
Le Pingouin est mort. Finie la lutte pour le contrôle des activités criminelles qui rythment les nuits de Gotham. Enfin, c’est ce que tout le monde croit. Chargée de retrouver ses enfants, Catwoman découvre qu’Oswald Cobblepot est en vie, caché sous une fausse identité à Metropolis. Mais lorsqu’elle lui apprend que ses enfants sont en danger, restera-t-il caché comme il se l’était promis ? Ou se laissera-t-il regagner par cette addiction plus forte que toutes les autres : affronter Batman ?